En finir avec les départements , c’est prendre un très grand risque social…

En finir avec les départements , c’est prendre un très grand risque social…

Président du conseil général du Val-de-Marne, le communiste Christian Favier est l’auteur d’un livre intitulé « Coup d’État contre les départements » (éditions de l’Atelier). À la fin du mois d’octobre, il a remis une pétition de 32 000 signatures au premier ministre contre la disparition programmée des départements.

Interview dans l’Humanité Dimanche du 6 novembre 2014 :

HD. Votre livre qualifie la disparition des départements de « coup d’État ». Est-ce que le mot n’est pas un peu fort ?

CHRISTIAN FAVIER. Non. Nous sommes véritablement devant une entreprise de démolition de l’organisation territoriale du pays. C’est même un retour en arrière par rapport à la décentralisation de 1982 avec des formes au contraire de recentralisation, de renforcement des structures les plus éloignées des citoyens. La première loi sur les métropoles et la nouvelle série de dispositions reviennent sur les droits des citoyens eux-mêmes. Le vote du Sénat sur le redécoupage des régions supprime également l’obligation de référendum préalable à la modification des périmètres d’un territoire. C’est un vrai recul démocratique qui me fait dire qu’il s’agit là d’une forme de coup d’État. Ces décisions se prennent désormais sans les citoyens, et contre les citoyens.

HD. L’un des arguments de cette réforme est le millefeuille territorial qui coûte cher en argent public… Qu’en pensez-vous ?

C. F. Les campagnes qui essaient de faire porter aux collectivités la responsabilité des déficits publics sont permanentes. Or leur part dans le déficit public du pays représente moins de 10 %. Elles sont même globalement bien gérées, pour une raison simple : elles ont l’obligation d’équilibrer leurs budgets, ce qui n’est pas le cas pour l’État. Quand on compare la situation de la France avec celle d’autres grands pays européens, on a quasiment partout trois grands niveaux de collectivités : local, intermédiaire, régional. La France ne fait pas exception. Sa seule particularité est son grand nombre de communes. Mais, c’est un atout, avec une gestion qui se fait dans la plus grande proximité. Quant aux prétendues économies qui pourraient se dégager en supprimant un de ces niveaux, aucune étude sérieuse n’a été réalisée sur le sujet. Au contraire, tout le monde a souligné que cette réorganisation avec ces nouvelles grandes régions va coûter plus cher pendant des années. Sauf à supprimer de manière massive des services rendus à la population… Quant au nombre d’élus, les économies sont à la marge. L’Îlede- France en conserverait 209, les autres régions avec 150 élus en moyenne en perdraient 10 %…

HD. Est-ce que ça veut dire qu’il faut conserver le statu quo ?

C. F. Non. On a besoin de faire évoluer les collectivités. On est sur des organisations qui, pour certaines, sont assez anciennes, mais cette évolution doit se faire d’abord avec un objectif d’amélioration du service public. Si on ne veut pas que cette amélioration soit plus coûteuse pour le contribuable, il faut chercher d’autres formes de coopération entre collectivités, de mutualisation d’un certain nombre d’actions, en partant des besoins exprimés par les populations. Il existe déjà beaucoup de choses. Des syndicats intercommunaux, des formes de mutualisation au sein des intercommunalités… C’est ce qu’il faut renforcer, et pas seulement au même échelon. Il faut sans doute imaginer des coopérations, par exemple entre les départements et la région. Surtout, il faut que ce soit des évolutions partagées, des évolutions voulues, et non des contraintes qui leur sont imposées comme les fusions qui se préparent actuellement.

HD. Le Sénat vient de voter pour quinze régions, Valls annonce le maintien des départements ruraux jusqu’en 2021 alors que les autres doivent disparaître au même horizon… Où en est ce projet de réforme au final ?

C. F. Il y a des annonces parfois contradictoires… Mais la volonté reste de réduire la dépense publique en faisant porter le poids de cet effort aux collectivités locales. On est face à un gouvernement qui n’a pas de projet clair et fort pour le pays. On discute des périmètres des régions avant de discuter de leurs compétences. On ne travaille donc pas sur un projet qui aurait pu être commun à plusieurs régions. Vouloir faire disparaître les départements sans savoir qui accepterait de gérer les compétences sociales, c’est prendre un très grand risque. Or, en temps de crise durable, aucune collectivité ne souhaite reprendre cette compétence… Le recul du premier ministre sur la disparition des départements s’explique en partie par cette réalité.

« Coup d’État contre les départements », de Christian Favier, éditions de l’Atelier, 192 pages, 10 euros.

Président du conseil général du Val-de-Marne, le communiste Christian Favier est l’auteur d’un livre intitulé « Coup d’État contre les départements » (éditions de l’Atelier). À la fin du mois d’octobre, il a remis une pétition de 32 000 signatures au premier ministre contre la disparition programmée des départements.

Interview dans l’Humanité Dimanche du 6 novembre 2014 :

HD. Votre livre qualifie la disparition des départements de « coup d’État ». Est-ce que le mot n’est pas un peu fort ?

CHRISTIAN FAVIER. Non. Nous sommes véritablement devant une entreprise de démolition de l’organisation territoriale du pays. C’est même un retour en arrière par rapport à la décentralisation de 1982 avec des formes au contraire de recentralisation, de renforcement des structures les plus éloignées des citoyens. La première loi sur les métropoles et la nouvelle série de dispositions reviennent sur les droits des citoyens eux-mêmes. Le vote du Sénat sur le redécoupage des régions supprime également l’obligation de référendum préalable à la modification des périmètres d’un territoire. C’est un vrai recul démocratique qui me fait dire qu’il s’agit là d’une forme de coup d’État. Ces décisions se prennent désormais sans les citoyens, et contre les citoyens.

HD. L’un des arguments de cette réforme est le millefeuille territorial qui coûte cher en argent public… Qu’en pensez-vous ?

C. F. Les campagnes qui essaient de faire porter aux collectivités la responsabilité des déficits publics sont permanentes. Or leur part dans le déficit public du pays représente moins de 10 %. Elles sont même globalement bien gérées, pour une raison simple : elles ont l’obligation d’équilibrer leurs budgets, ce qui n’est pas le cas pour l’État. Quand on compare la situation de la France avec celle d’autres grands pays européens, on a quasiment partout trois grands niveaux de collectivités : local, intermédiaire, régional. La France ne fait pas exception. Sa seule particularité est son grand nombre de communes. Mais, c’est un atout, avec une gestion qui se fait dans la plus grande proximité. Quant aux prétendues économies qui pourraient se dégager en supprimant un de ces niveaux, aucune étude sérieuse n’a été réalisée sur le sujet. Au contraire, tout le monde a souligné que cette réorganisation avec ces nouvelles grandes régions va coûter plus cher pendant des années. Sauf à supprimer de manière massive des services rendus à la population… Quant au nombre d’élus, les économies sont à la marge. L’Îlede- France en conserverait 209, les autres régions avec 150 élus en moyenne en perdraient 10 %…

HD. Est-ce que ça veut dire qu’il faut conserver le statu quo ?

C. F. Non. On a besoin de faire évoluer les collectivités. On est sur des organisations qui, pour certaines, sont assez anciennes, mais cette évolution doit se faire d’abord avec un objectif d’amélioration du service public. Si on ne veut pas que cette amélioration soit plus coûteuse pour le contribuable, il faut chercher d’autres formes de coopération entre collectivités, de mutualisation d’un certain nombre d’actions, en partant des besoins exprimés par les populations. Il existe déjà beaucoup de choses. Des syndicats intercommunaux, des formes de mutualisation au sein des intercommunalités… C’est ce qu’il faut renforcer, et pas seulement au même échelon. Il faut sans doute imaginer des coopérations, par exemple entre les départements et la région. Surtout, il faut que ce soit des évolutions partagées, des évolutions voulues, et non des contraintes qui leur sont imposées comme les fusions qui se préparent actuellement.

HD. Le Sénat vient de voter pour quinze régions, Valls annonce le maintien des départements ruraux jusqu’en 2021 alors que les autres doivent disparaître au même horizon… Où en est ce projet de réforme au final ?

C. F. Il y a des annonces parfois contradictoires… Mais la volonté reste de réduire la dépense publique en faisant porter le poids de cet effort aux collectivités locales. On est face à un gouvernement qui n’a pas de projet clair et fort pour le pays. On discute des périmètres des régions avant de discuter de leurs compétences. On ne travaille donc pas sur un projet qui aurait pu être commun à plusieurs régions. Vouloir faire disparaître les départements sans savoir qui accepterait de gérer les compétences sociales, c’est prendre un très grand risque. Or, en temps de crise durable, aucune collectivité ne souhaite reprendre cette compétence… Le recul du premier ministre sur la disparition des départements s’explique en partie par cette réalité.

« Coup d’État contre les départements », de Christian Favier, éditions de l’Atelier, 192 pages, 10 euros.