Nathalie Nail: »l’austérité ne constitue en rien la solution à la crise que nous traversons, mais au contraire constitue la source de celle-ci. »

Nathalie Nail: »l’austérité ne constitue en rien la solution à la crise que nous traversons, mais au contraire constitue la source de celle-ci. »

Monsieur le Président, chers collègues,

Lors de notre dernière session, les élus communistes ont alerté, dans cette assemblée, sur les dangers que les politiques d’austérité font peser sur le quotidien des familles seino-marines. La situation, depuis, non seulement ne s’est pas améliorée mais s’est au contraire aggravée. Cette situation, que nous dénonçons, valide pleinement notre analyse et valide le vote d’alerte que nous avons émis en nous abstenant sur le budget présenté pour l’année 2013 dans notre collectivité.

Cela renforce notre conviction que l’austérité ne constitue en rien la solution à la crise que nous traversons, mais au contraire constitue la source de celle-ci.

Il est urgent de mobiliser toute notre énergie dans la recherche et la mise en œuvre d’alternatives à cette politique d’austérité qui fait si mal à notre peuple. Les Seino-marins des classes moyennes et populaires souffrent. Celles et ceux de nos concitoyens qui pouvaient s’en sortir jusqu’à maintenant sont de plus en plus sous la menace par le chômage et la précarité. La stagnation des salaires, la hausse des prix, les hausses des taxes et impôts comme ceux que vous avez adoptés pour notre collectivité ont une répercussion réelle sur le pouvoir d’achat des habitants de notre territoire.

Quand aux éventuelles surtaxation du diesel ou la fiscalisation voire la baisse des allocations familiales, quelle est la logique alors même que vingt milliards d’euros sont offerts sans contrepartie aux grandes entreprises.

Les associations qui œuvrent au lien social, qui sont essentielles dans la vie de nos concitoyens, sont également touchées. Ce sont leurs projets qui vacillent, avec là aussi des emplois qui sont supprimés. Les associations de prévention spécialisée en sont le triste exemple, le sommet de l’iceberg. Mais ici ou là, dans de nombreuses communes, les critères d’attribution des subventions CUCS se durcissent, et des financements disparaissent. Quel avenir demain pour le tissu associatif dans notre département, dans notre pays ?

Les gouvernements de droite qui se sont succédé et leurs politiques de casse sociale au service du MEDEF et de la haute finance porte la responsabilité du désastre social que nous vivons. Mais aujourd’hui, alors que le premier devoir d’un Gouvernement de gauche aurait été de revenir sur la casse opérée, nous n’assistons qu’à un ballet incessant de promoteurs de l’austérité, à tous les étages.

Les conséquences, prévisibles, n’en sont pas moins désastreuses : les chiffres du chômage battent des records sans perspective d’inversion de la courbe à court, moyen et même long terme, la casse industrielle s’accélère, l’investissement public est au point mort.

Mais quelle perspective d’avenir avons-nous dans ce cadre, dans cet étau du pacte budgétaire européen voté à l’unisson dans une alliance contre nature par les parlementaires de la majorité gouvernementale et de la droite rassemblés ?

En s’enfermant dans le dogme absurde des trois pour cent, qui est un non-sens économique, avec une austérité ravageuse contestée aujourd’hui jusque dans les rangs de certains au FMI – dont vous conviendrez que c’est loin d’être une officine remplie de bolchéviques – en s’enfermant dans ce dogme je le disais, vous condamnez le pays à s’enliser dans la crise.

Dans cette situation le Département devrait être la collectivité de la résistance à l’austérité, la collectivité au service du changement pour lequel nos concitoyens se sont majoritairement exprimés il n’y a pas si longtemps lors d’élections majeures dans notre pays. Cela n’a pas été le cas et cela s’est traduit par un budget au service de la réduction de la dépense publique.

Et quel avenir pour le Département ?

Quel avenir alors que vous avez dit construire un budget contraint ?
Quel avenir alors que les dotations aux collectivités vont baisser fortement, de près de cinq milliards d’euros jusqu’en 2015 ?
Quel avenir alors que les lois de décentralisation qui sont en préparation confinent le Département à une collectivité ressemblant à un guichet social sans moyens ni prérogatives ?

Les grands schémas qui nous sont notamment présentés aujourd’hui (schéma nautique et plan climat énergie pour ne citer qu’eux) sont appauvris par manque de moyens. 

N’ayant que peu d’impacts économiques et de structuration du territoire, ils portent en eux, déjà, une certaine forme de renoncement.

Ce qui reste du couple structurant que constitue le Département et les communes en est un exemple criant. Le refus de subventionnement des projets pourtant utiles à nos concitoyens dans les communes inquiètent les élus locaux. Certains, pourtant silencieux, sont membres de cette assemblée.
Avec une enveloppe passée de 46 à 20 millions d’euros, il est évident que l’ensemble des besoins ne peuvent être satisfaits.

Ici une école est sacrifiée, là bas la salle de sport, ou l’isolation des bâtiments, etc… Notre Département n’a-t-il plus de rôle à jouer dans l’aménagement du territoire ?
26 millions d’euros de moins pour les collectivités partenaires, c’est 26 millions d’euros de moins pour les carnets de commande des entreprises qui travaillent pour l’investissement public. Ce sont des contrats qui ne sont pas signés, ce sont des emplois en moins.

L’objectif politique de cet affaiblissement de la collectivité départementale serait-il de généraliser ce qui se profile en Alsace, une collectivité unique résultant de la fusion des régions et des conseils généraux ?

De ce point de vue là il semble qu’Alain Le Vern, Président du Conseil Régional, ait discuté de cette perspective avec vous. Nous aimerions bien que vous nous fassiez, Monsieur le Président, un bref résumé de cette entrevue, et que vous donniez vous aussi votre position.

Au delà de cette volonté locale de constituer une baronnie au service du Président de Région, il plane une menace forte sur ce qui fait la force et l’origine des conseils généraux, c’est à dire le découpage cantonal. En imaginant un scrutin inédit dans le monde qui consiste à faire élire deux personnes sur un territoire regroupant plusieurs cantons, c’est une véritable manœuvre antidémocratique qui s’opère. Sous couvert d’une volonté de parité homme/femme, nous assistons à un véritable hold-up, un éloignement du pouvoir de décisions des citoyens.
Si le Gouvernement avait la réelle volonté de mettre en œuvre la parité, il corrigerait l’anomalie qui consiste à laisser la dernière collectivité de France qui n’a aucune dose de proportionnelle. Mais au lieu de cela, il renforce le bi-partisme, l’hégémonie de quelques uns et compte par cette manœuvre rayer de la carte un certain nombre d’acteurs politiques.

Autant le redire clairement, les élus communistes ne sont pas prêt à sacrifier sur l’autel de l’austérité la collectivité départementale.
La fragilisation de nos politiques a commencé lors de l’adoption, sans le consentement de notre groupe, du plan dit « de consolidation des priorités départementales ». Quand sera fait le bilan,
quand seront tirées les leçons
, quand seront évaluées les conséquences de ce plan ?
La délibération prévoyait une évaluation annuelle, nous souhaitons qu’elle soit portée à la connaissance de notre assemblée.
Celle-ci nous permettrait de constater la situation, et de redresser le cap.

Les choix européens et nationaux ne sont pas les bons. Il est de notre responsabilité de ne pas les accompagner mais au contraire de faire les choix courageux qui protègeront les seino-marins des conséquences de la crise que le pays traverse. Les chypriotes, les grecs, ces peuples sont la preuve par l’exemple de la nocivité des politiques d’austérité. Nous voyons aujourd’hui dans quel état de déliquescence sont ces pays.

D’autres choix, à gauche, sont possibles. Un exemple, un seul. La loi sur les licenciements boursiers et les suppressions abusives d’emplois dans notre pays déposée à l’Assemblée Nationale et au Sénat par les parlementaires du Front de Gauche. Les huit articles de ce texte sont le fruit d’une co-élaboration avec les salariés de notre pays. Ils sont le fruit de l’intelligence collective des travailleurs. il s’est appuyé sur l’apport et l’expertise de terrain de très nombreux syndicalistes et représentants d’entreprises en lutte, comme les Sanofi, les Fralib, les Petroplus, les Legrand, les Renault…

Ce texte vise à réajuster le droit du travail pour faire face à la finance, en redéfinissant les motifs de licenciement acceptés. 

Il prévoit également que les licenciements sont jugés abusifs, sans cause réelle et sérieuse, si l’entreprise ou l’usine a constitué des réserves ou un bénéfice net au cours des 2 dernières années, ou si elle a distribué des dividendes, des stocks options ou procédé à des rachats d’action.

Il demande le remboursement des aides publiques lorsque le licenciement aura été jugé sans cause réelle et sérieuse. Le texte remet aussi en cause la procédure de rupture conventionnelle, véritable licenciement déguisé qui a concerné pus d’un million de salariés depuis 2008. Voilà la première boîte à outils dont doit se saisir la gauche pour appuyer son action au service de l’emploi ! 

Ce texte sera présenté à la mi mai au Parlement. La gauche s’honorerait à adopter cette loi aujourd’hui, puisqu’elle a la majorité pour le faire.

Au Département de Seine-Maritime comme en France, changeons de cap. Il en est encore temps.