Discours de Daniel PAUL,%%% Député de Seine-Maritime%%% DISCOURS AU MEETING DE ROUEN DU 16 MAI 2005: Mesdames, messieurs,%%% Chers amis et camarades,
Ca se passe pas loin d’ici, dans l’Eure, à Charleval ; 300 emplois sont menacés de délocalisation vers la Pologne ! Pourtant, l’usine est rentable, le carnet de commandes est correctement rempli ; les salaires ne sont pas pharaoniques : l’objectif reconnu est bien de profiter, au plein sens du terme, de conditions salariales et sociales favorables à une plus grande rentabilité. C’est tout simplement la réalité qui ne ferait que s’amplifier si le projet constitutionnel était approuvé le 29 mai ; ainsi, deux études viennent d’être remises à la Commission des finances du Sénat, en mars dernier, qui concluent à la menace de délocalisations de plus de 200 000 emplois d’ici 2010. La libéralisation générale des services, inscrite aux articles III- 166 et 167 du projet de constitution favoriserait évidemment une telle dérive. La colonne vertébrale de ce texte, rappelée 33 fois au fil des articles, c’est le principe de la concurrence » libre et non faussée » ; conjuguée avec l’impossibilité d’harmoniser vers le haut les règles sociales dans les 25 pays, cela constitue une véritable machine de guerre contre les droits sociaux, contre les conditions salariales et le code du travail. C’est un chantage permanent à l’égard des salariés, poussés à réduire leurs revendications, à accepter de remettre en cause des acquis sociaux que les libéraux nomment rigidités, sinon, c’est la délocalisation qui menace ! Et c’est encore au nom de cette concurrence libre et non faussée que l’on interdit aux états d’avoir des politiques volontaristes dans le domaine industriel ! Ainsi, les aides aux entreprises en difficulté deviennent illégales, car elles faussent la concurrence ! C’est à cause de cela que le fret SNCF doit équilibrer ses comptes et supprimer des lignes non rentables et que la dernière entreprise de réparation navale du Port du Havre a dû mettre la clé sous la porte, faute de pouvoir rembourser les aides publiques reçues. Et ce n’est pas fini ! La Commission de Bruxelles vient de demander la liste des entreprises françaises qui ont reçu, depuis 1992, des aides financières publiques pour surmonter des difficultés, afin de vérifier qu’elles les ont bien remboursées ! En cas de non remboursement, la sanction c’est la liquidation : 1700 entreprises sont menacées, avec plus de 100 000 salariés ! Le dogme libéral imbibe le projet de texte constitutionnel ; l’objectif est de faire sauter les résistances, les rigidités comme disent les patrons et d’établir, à l’échelle de 25 pays et bientôt plus, une zone offerte à la rentabilité financière. Et la directive sur les services va dans le même sens ! Elle est aussi l’héritière de ce mariage infernal de la concurrence et de la non-harmonisation des règles sociales ! Mais elle n’avait pourtant rencontré aucune opposition dans la commission européenne, ni de François Lamy, prochain président de l’OMC, ni de Michel Barnier, actuel ministre des affaires étrangères, tous 2 commissaires européens à l’époque : elle venait si naturellement, dans le sillage du projet constitutionnel ! Et d’ailleurs Guillaume Sarkozy, vice-président du MEDEF indiquait » il ne faut pas s’étonner de cette directive, elle correspond exactement aux fondements mêmes de l’Union Européenne « . Il aura fallu que soit rendue publique la vérité sur cette directive pour que l’on voie les partisans du oui bien vite déminer le terrain ; il fallait rassurer, donner le change, au moins jusqu’au 29 mai ! Et tous ces gens qui n’avaient rien trouvé à redire à la proposition de Bolkestein, n’ont plus de mots assez forts pour promettre qu’elle est remise à plat, annulée, enterrée ! Mais voilà qu’un vote au Parlement européen, le 28 avril, montre que la directive est toujours là, bien présente ! Moscovici, Bachelot, Bourlanges, Toubon, Trautman, Cavada ont mêlé leurs voix pour repousser un amendement qui reprenait les idées que leurs propres amis clament pourtant si fort en France ! Cela s’appelle » être pris la main dans le sac » et doit nous alerter sur le double langage des partisans du oui. De fait, le social c’est l’Arlésienne des traités européens ! Celui de Maastricht devait déjà, il y a 13 ans, créer des millions d’emplois supplémentaires. On voit le résultat avec l’explosion du chômage et l’envol des profits ! Aujourd’hui, avec 25 millions de demandeurs d’emplois, l’exclusion et la précarité frappent à tout va. 68 millions d’Européens vivent au-dessous du seuil de pauvreté, soit plus que la population de la France et, chose impensable il y a quelques années, on voit des entreprises proposer à leurs salariés de se délocaliser en Roumanie, à l’île Maurice ou au Mexique pour parfois moins de 100 euros par mois ! Voilà le visage de leur Europe sociale ! C’est l’Europe de la concurrence pour les peuples et les salariés, au service de celle des dividendes. Notre région a payé un lourd tribut économique et humain à la construction européenne dans sa forme libérale. Hier, c’était la liquidation des ACH au Havre, celle de Yorkshire à Saint Etienne du Rouvray, des chantiers de la Manche à Dieppe. Depuis, ce fut Palace parfums à Dieppe et cela se poursuit avec la SORENI au Havre et Metzeler dans l’Eure… On délocalise à tout va, on met à mal la dignité même des salariés, on alimente le chômage, la pauvreté. Tout devient marchandise au service du profit financier : c’est dire les dégâts sociaux et humains en perspective. Alors, nous appelons à un non populaire, un non de colère et de résistance. Le 29 mai, nous serons à la croisée des chemins, pour l’avenir de l’Europe, l’avenir de notre peuple, celui de nos enfants. Construire l’Europe est une belle idée ! Mais, aujourd’hui, elle est confisquée par la haute finance qui veut pérenniser son pouvoir : c’est le rôle de ce texte constitutionnel, dont elle a guidé la rédaction. En votant non, nous voulons aussi affirmer qu’une autre Europe est possible, ouvrir aux peuples la porte de l’espoir. Espoir en une Europe sociale qui, 13 ans après les promesses de Maastricht reste entièrement à construire, avec la lutte résolue contre le chômage comme objectif premier, mais aussi l’harmonisation des droits sociaux vers le haut, la défense et le développement des services publics, une fiscalité commune des Etats pour les mettre sur un pied d’égalité et combattre les délocalisations ; Espoir en une Europe démocratique qui fera du développement des droits de la personne un objectif essentiel, avec des institutions qui élargissent la citoyenneté populaire et la démocratie participative, dotent le Parlement de compétences nouvelles et permettent de contrôler la Banque Centrale Européenne, la seule banque centrale au monde qui n’ait de compte à rendre à personne et qui n’ait pas dans ses objectifs le développement économique et l’emploi ! Seul compte pour la BCE la lutte contre l’inflation, c’est-à-dire les moyens de rentabilité des capitaux. Espoir en une Europe d’épanouissement culturel avec au cœur l’éducation, la formation et la réussite de la jeunesse, la reconnaissance de la spécificité des cultures de chaque pays. Espoir en une Europe de paix, ni alignée ni soumise aux volontés de l’OTAN, mais ouverte sur le monde et agissant en faveur du codéveloppement et d’un ordre mondial juste. Bref, nous nous battons pour une Europe du progrès humain, respectueuse des peuples et des nations. Et à l’évidence, nous ne sommes pas seuls et ce mouvement aujourd’hui fait peur aux partisans du oui ; les insultes, les mensonges, les amalgames sont autant de signes de leur fébrilité, de leur crainte que de plus en plus apparaisse, aux salariés, aux précaires, aux retraités, aux jeunes, que cette autre Europe est possible. Ils ont peur de cette mise en cause du libéralisme, de ce mouvement populaire, porteur, pour aujourd’hui et pour demain, de dignité pour les gens et de contenus pour les changements à opérer. Le bonheur en Europe est toujours une idée neuve ! Jusqu’au 29 mai, faisons en sorte de convaincre ceux qui feront la victoire.
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