Table ronde pour la création d’un Comité de Développement du Port

Table ronde pour la création d’un Comité de Développement du Port

Intervention de Sébastien JUMEL%%% Vice Président du Conseil Général%%% Premier Vice Président du Syndicat Mixte Transmanche%%% Membre du Conseil Portuaire%%% Mesdames, Messieurs, Chers Amis, Tout d’abord, je souhaite vous remercier d’avoir accepté de participer à cette première réunion sur un sujet central, crucial pour la région dieppoise et ses habitants : l’avenir du port de Dieppe.

J’ai eu l’occasion, à plusieurs reprises, de dire que la façade maritime était constitutive de l’identité de notre région, de notre département, mais qu’elle est aussi constitutive de l’identité de notre Ville Dieppe. Dieppe, c’est la ville aux quatre ports. Si l’on excepte la plaisance où la demande est supérieure à l’offre, mais dont les retombées sont diffuses, les trois secteurs structurels du port de Dieppe son en crise ou traversent de grandes difficultés. Cette initiative de ce soir correspond à une impérieuse nécessité : réfléchir ensemble, proposer et agir. Elle répond à une demande des acteurs nombreux que j’ai rencontrés sur le sujet. Elle correspond aussi à une volonté exprimée par les habitants, les salariés, les acteurs économiques qui veulent que notre port vive ! Vous le savez, Dieppe au plan économique et social souffre. Le nouveau taux de chômage officiellement annoncé est de 11,9 %. Le port, c’est : * 500 emplois directs * 1000 emplois indirects * 1000 emplois induits. 2500 salariés représentant 10 % des emplois de notre agglomération Dieppe Maritime. C’est la raison pour laquelle ce soir, au-delà des divergences d’appréciation sur d’autres sujets, au-delà de nos différences qui sont saines dans une démocratie, eu égard aux enjeux. J’ai souhaité proposer ce que les Informations Dieppoises ont appelé l’union sacrée pour le port (diversité des participants). Je souhaite donc que le débat soit respectueux, constructif, l’idée étant, si vous en êtes d’accord, de dégager des pistes de réflexions et d’actions pour faire jouer les leviers de l’intervention publique. Bien évidemment, dans ce domaine-là comme dans d’autres, les marchés, les acteurs économiques sont déterminants mais souvent l’intervention publique peut favoriser, accélérer ou freiner un processus. En matière portuaire, elle peut renforcer l’attractivité de notre port. J’y reviendrai… Même si cette initiative est personnelle, elle n’est évidemment pas déconnectée des responsabilités que j’exerce comme Vice Président du Département. Je suis membre du Conseil Portuaire, Premier Vice Président du Syndicat mixte transmanche. J’ai l’intime conviction qu’un élu tire sa légitimité que s’il nourrit sa réflexion à partir de celle des acteurs concernés, que s’il co-élabore avec eux les propositions qu’il lui appartient ensuite de défendre. C’est dans cet état d’esprit que je suis. D’ailleurs, le 17 novembre prochain, je suis invité par le Président de Région et le Président du Département à une première réunion qui sera suivi de nombreuses autres sur ce sujet. Nous aurons la présentation de l’étude commandée par notre collectivité. Ce soir, je propose donc que nous puissions échanger pendant deux heures selon l’ordre du jour suivant : * une partie sur l’état des lieux, sur le diagnostic à partir de nos difficultés et de nos atouts. Bien évidemment, nous pourrons revenir sur le passé pour mieux comprendre le présent, mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel pour nous, c’est de peser sur l’avenir, de le préparer. Je propose donc que nous consacrions la plus grande partie de cette première réunion sur des propositions. Enfin, nous évoquerons en conclusion les modalités à établir pour continuer à travailler ensemble. Permettez-moi de vous livrer mon opinion, telle qu’elle s’est bâtie au fil des discussions et des rencontres. Rapidement sur l’état des lieux. En ce qui concerne le port de commerce, le trafic fruitier est passé de 248 000 tonnes en 1999 à environ 100 000 tonnes aujourd’hui et Sea Invest, lors de la table ronde du 4 novembre, établit des prévisions à 86 000 tonnes pour justifier son plan de licenciements. S’ajoutent à cela d’autres produits agricoles, le trafic des graves de mer sur les terres pleins off shore et les apports de l’usine de trituration Saipol et quelques trafics ponctuels : ciment, produits chimiques… La pêche connaît elle aussi de grandes difficultés. Elle subit le contre coup des quotas, de la hausse des carburants qui peut être fatale pour ceux qui restent (50 bâtiments, 250 marins dont 130 environ sur 30 coquillards). La dernière unité de la flotte industrielle représentant en tonnage la moitié des apports a été mise la casse. La concession portuaire de la Chambre de Commerce ne parvient pas à résorber son déficit structurel qu résulte notamment des grands travaux menés dans les années 80 pour la construction du terre-plein off-shore, l’allongement de la jetée ouest et par l’élargissement de la passe. L’endettement plombe structurellement le budget de la concession parce que les recettes ne sont pas à la hauteur. La chambre de commerce est donc devenue un partenaire affaibli qui ne joue plus son rôle. Les recettes des usagers du port suffisent à peine à assurer la maintenance ou même la rénovation nécessaire de l’outillage. Je veux parler des grues, des portiques, des passerelles et des hangars, vitaux et nécessaires pour un bon fonctionnement du port. Mais, dans de nombreux domaines, il ne faudrait pas grand chose pour améliorer la situation qui est urgente. Nous sommes dans une spirale infernale qu’il faut inverser. Moins il y a de trafics, moins il y a de recettes. Plus les tarifs portuaires augmentent et moins nous sommes attractifs pour de nouveaux trafics. Exemple : en droits de ports, pour 150 000 tonnes de bananes, coût pour le client : 271 500 € pour Dieppe, 60 705 € pour Marseille. L’abandon des activités de dragage, de l’atelier maritime de la DDE et la politique de rétention de la SNCF en matière de fret pèsent aussi sur la situation du port. Dans la hiérarchie même des ports d’intérêt national, Dieppe n’a jamais bénéficié, toutes ces années depuis les grands travaux dont je parlais tout à l’heure, de l’avis bienveillant de la DATAR et des considérations nécessaires de l’Etat. Il n’y a qu’à regarder l’exécution du Contrat de Plan actuel pour voir comment l’Etat considère la région dieppoise de ce point de vue. Il faut inverser la logique et dans plusieurs domaines avant le 1er janvier 2007, sinon les collectivités vont se retrouver  » propriétaire  » d’une coquille vide. C’est la raison pour laquelle j’ai sollicité un rendez-vous au plus haut niveau de l’Etat. De nombreux atouts existent : une bonne accessibilité, un savoir-faire, des hangars disponibles, une renommée sur la pêche. Dieppe a un passé maritime. C’est une de ses richesses. L’expérience des hommes et des femmes, leurs savoir-faire qui s’est transmis de génération en génération, constitue un capital précieux. C’est un gage de compétitivité pour l’avenir. De tout temps, ils ont su anticiper les évolutions pour mieux s’adapter aux situations nouvelles. Des besoins de transports existent, ils sont en augmentation sensible. A un moment où, sous la pression des populations, l’on parle de développement durable, d’économies d’énergie, de la nécessité de mieux maîtriser les flux de transports, de diversifier les modes et d’utiliser davantage ceux qui sont les moins polluants, des ports tels que Dieppe peuvent apporter les réponses appropriées. L’Etat, la Région, le Département, l’agglomération Dieppe Maritime, la Ville -dans le cadre d’un complexe portuaire Normand, qui doit devenir une réalité- doivent mobiliser tous les moyens pour l’avenir de Dieppe. Il faut véritablement explorer toutes les pistes, toutes les possibilités pour sortir de la situation actuelle. Oui, notre port a de l’avenir si nous avons tous la volonté de le construire sans arrière pensée. Il s’agit aussi d’obtenir des opérateurs du port de commerce, Sea Invest, un plan programme de développement sur la base de l’expertise des acteurs portuaires en matière de trafic fruitier et légumier, notamment avec les pays africains, Côte d’Ivoire, Cameroun, Sénégal-, mais aussi en fonction des évolutions avec l’Amérique Latine. Il s’agit de conforter l’activité Transmanche en s’assurant le contrôle et la commercialisation en Grande Bretagne des activités fret et passagers et en recherchant un opérateur public ou privé spécialisé dans l’exploitation de cette ligne. C’est ce à quoi nous nous employons depuis que nous avons en responsabilité le Transmanche, ensuite sur la nécessité d’embaucher des marins d’ici. Et pourquoi ne pas rechercher d’autres opérateurs pour des trafics de niche ? De ce point de vue, la proposition de Jean DASNIAS de recruter un agent commercial pour chercher de nouveaux trafics est une bonne idée. Il s’agit aussi, me semble-t-il, d’établir, en fonction du positionnement du port de Dieppe au centre géographique de la Manche, un pôle des services maritimes : sauvetage, sécurité en mer, police, douane, balisage- en liaison avec le Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage (CROSS) et aussi une station service pour les réparations, non seulement d’entretien pour le pôle pêche, mais aussi d’urgence pour une sorte de SAMU maritime que pourrait représenter le port de Dieppe au regard de son positionnement géographique. Il s’agit de rééquilibrer les autorisations de mise en construction des nouveaux navires de pêche entre les régions de la façade Manche Atlantique, pour que la flottille artisanale ne s’érode pas progressivement comme c’est malheureusement le cas depuis plusieurs années. De la même manière, il n’y a pas d’avenir pour la pêche sans réparation navale (remise en état du synchrolift). Il s’agit aussi de créer les conditions pour augmenter les capacités de transformation des produits de la mer dans l’espace portuaire ou l’hinterland proche de l’agglo, comme ce fut le cas avec Davigel lorsque le Snekkar lui apportait ses produits (améliorer l’outil informatique de la criée, favoriser les unités de transformations sur place, former des pêcheurs). Il y besoin de créer une synergie des acteurs de la pêche sur la place dieppoise. Il s’agit aussi de finaliser les dessertes et le désenclavement de l’agglo : finition de la RN 27, axe structurant pour le désenclavement du port, mise à deux fois deux voies ou en tout cas sécurisation du CD 915. C’est notre affaire et je sais que Michel BARRIER y travaille fortement, comme le CD 925 vers Penly et Eu, la Picardie, qui est, dans le même esprit, nécessaire pour améliorer le désenclavement de la région dieppoise. Il s’agit aussi de réactiver l’activité fret quasiment abandonnée par la SNCF, sans considération de sa fonction d’agence du territoire. Il s’agit enfin d’établir une charte du complexe portuaire normand. J’ai apprécié l’initiative des Présidents des Collectivités qui tentent de donner du corps à la notion encore très théorique de complexe portuaire normand. Je crois beaucoup à la nécessité de créer plus de synergie et de complémentarité entre nos ports. Dieppe a vocation à développer une activité de cabotage, de  » mer routage « , le  » mer routage  » à partir de Dieppe se concevant comme un élément essentiel du lien Transmanche. Voilà quelques réflexions qui, pour prendre tout leur sens, méritent évidemment d’être approfondies, confrontées et sans aucun doute devront être prise en compte. La loi de décentralisation portuaire doit constituer une opportunité pour rompre avec la stratégie actuelle de concentration sur quelques places portuaires donnant ainsi tout son sens à la notion de complexe portuaire normand. Elle doit permettre de rompre avec le centralisme technocratique qui a conduit à la situation que l’on sait. Elle doit permettre aux Entreprises et notamment aux quelques 2000 salariés qui, aujourd’hui, vivent directement ou indirectement de l’activité maritime, de participer à l’élaboration d’un projet global de développement incluant l’ensemble des acteurs économiques, politiques et sociaux de la communauté d’agglomération Dieppe-Maritime.